billet régional novembre 2024

Inversion, déboulonnage, retournement, … conversion ?
peinture de Scarsellino

Scarsellino: Jésus chasse les marchands du Temple@Wikimedia Commons

Lors d’une discussion avec des amis, une personne me raconte qu’elle est choquée par le déboulonnage des statues d’hommes célèbres, dont on sait qu’ils ont participé ou organisé l’esclavage. Elle s’indignait de cet acte violent (déboulonner les statues) et affirmait qu’il suffisait d’inscrire sur la statue l’information (le mot esclavagiste, ou d’autres précisions quant à ces faits aujourd’hui dénoncés) pour avertir le public. Cette personne affirmait que le déboulonnage est un acte violent, gratuit, qui discrédite les personnes qui s’en rendent coupables.

Ce à quoi je lui faisais remarquer que, s’il n’y avait pas eu ces actes de déboulonnage, il n’aurait jamais été question d’inscrire quoi que ce soit sur la statue (ce qui n’a d’ailleurs pas été fait, à ma connaissance), alors même que l’esclavage est condamné depuis de nombreuses années.

Je pourrai citer bien d’autres exemples d’actions fortes et symboliques. Malheureusement, il me semble que nous sommes dans une société très aseptisée qui ne prend pas en compte des paroles d’alerte simples et qui nécessite parfois des actions plus spectaculaires afin que « les choses bougent ».

Ces actions ne sont pas forcément violentes, heureusement. Elles sont souvent impressionnantes (jet de sauce tomate sur la vitre de protection d’un tableau, dans un musée) et c’est parfois le récit médiatique faussé qui en est fait qui entraine une forte indignation.

Et nous, comment participons-nous à la réflexion sociétale de ces faits ? Est-ce que nous avons le souci de rechercher la vérité derrière l’information reçue ? Vers quoi ou vers qui porte notre indignation ? Ces questions sont parfois brûlantes.

La guerre qui oppose le Hamas contre l’armée israélienne a fait et fait encore de trop nombreuses victimes. La violence n’arrête pas et s’accentue de jour en jour laissant les civils de plus en plus désemparés ou – pire – de plus en plus en colère.

Comment dire notre indignation pour la situation de détresse des familles israéliennes qui ont perdu un.e proche dans les attaques du 7 octobre ? Comment dire en même temps notre indignation pour la situation de détresse des familles palestiniennes qui subissent les représailles (et maintenant ça se propage au Liban) ?

Il en va de même dans tous les conflits, et, plus proche de nous, dans les affrontements civiles (en Nouvelle Calédonie, en Martinique, dans métropole au cours de manifestations, …) : ce qui nous parvient, ce sont souvent des images de destruction. Prenons-nous le temps de chercher quelles sont les enjeux, pour les personnes en présence ? Quelle est la société que nous voulons, pour vivre sur un même territoire ? Quelle attention pouvons-nous développer pour permettre à chacune et chacun de se sentir « faire partie » d’une communauté humaine ?

En chassant les vendeurs du Temple, Jésus a eu un geste violent et qui a sans doute choqué ceux qui étaient présents au moment des faits. Mais derrière le geste, nous savons bien qu’il faut chercher le sens de ce que Jésus exprime. Pourquoi est-il passé par un geste aussi radical ? N’aurait-il pas pu enseigner, exprimer en paroles, ce qu’il dénonçait ?

Son geste a marqué les esprits ! L’effort de réflexion que Jésus nous demande dans cet épisode radical est le même effort que nous devons continuer à faire autour de tous ces gestes symboliques qui sont autant de messages d’alerte pour tenter de nous recentrer sur la relation à l’autre.

Il faut parfois déboulonner quelques certitudes mortifères pour ouvrir les yeux sur l’essentiel : la relation bienveillante à l’autre, dans le prolongement de la grâce reçue du Tout-Autre.

Anne-Marie FEILLENS

Contact