à l’occasion du Synode régional 2020 reporté au 9 janvier 2021
Tenir un synode tous les ans nous paraissait aller de soi, jusqu’à présent. Aujourd’hui, comme pour tous les gestes du quotidien, rien ne va plus de soi. Nous sommes soumis aux mêmes aléas, aux mêmes questionnements que tout le monde. Comment se réunir en Église malgré les contraintes ? Comment garder le lien fraternel malgré les restrictions sanitaires ? Comment s’y retrouver dans les informations contradictoires qui sont diffusées ? Faut-il se fier à tout ce qui est dit ?
Toutes ces questions sont légitimes et traversent l’Église comme la société dont nous faisons partie. Ce qui est certain, c’est que, dans le monde actuel, rien n’est sûr, rien n’est attesté de manière fiable. Les données médicales progressent autant que le virus de la Covid mais elles ne sont pas les seules à entrer dans l’équation. Les questionnements ne sont pas réduits à la vie biologique des individus ! Les questionnements viennent aussi interroger la vie sociale, psychologique et spirituelle.
En Inde, par exemple, la population la plus pauvre est davantage préoccupée par la famine que par le virus. Elle subit la famine en raison de la perte de tous les petits boulots misérables qui leur permettaient de survivre jusque-là.
En France, dans une moindre mesure, cette préoccupation est la même pour une part de plus en plus importante de la population qui n’imaginait jamais devenir pauvre. Le nombre de personnes qui font appel aux banques alimentaires et autres aides d’urgence est malheureusement en forte augmentation.
Les services hospitaliers et les services de l’État, de leur côté, envoient des signaux d’alerte qui se concentrent sur la préoccupation de nos aînés. Ceux-ci sont plus vulnérables et risquent davantage de subir les formes graves de la maladie. Les aînés peuvent maintenant se faire vacciner, ce qui leur permettra peut-être d’accueillir leurs familles et de sortir de l’isolement dans lequel ils sont maintenus jusque-là.
Les jeunes, eux, sont inquiets pour leur avenir et vivent difficilement les contraintes qui réduisent leurs interactions sociales. Les lieux de rencontres festives sont proscrits… mais les lieux d’enseignement où ils étudient ne sont pas toujours adaptés aux mesures sanitaires. Comme beaucoup, les jeunes vivent mal ces écarts, ces injonctions contradictoires.
Dans les Églises, le fait de ne plus célébrer la cène est vécu par certaines personnes comme un manque difficile à admettre et comme une privation dans leur vie spirituelle.
Comment faire ? Quelle est la bonne solution ? En fait, et nous le savons, la situation est complexe et la réponse ne peut pas être simple.
Les autorités sanitaires et gouvernementales tentent de trouver les bonnes formules. Elles essaient de contrer l’évolution de la maladie par des décisions moins drastiques que le confinement total vécu au printemps dernier. Et nous, nous tentons de garder confiance et de vivre correctement tout en faisant attention les uns aux autres.
Cela dure maintenant depuis plusieurs mois, et cela va durer encore. Nous sommes plus que jamais dans une période d’incertitude très inconfortable.
Or, nous ne sommes pas pour autant ballottés au gré des injonctions contradictoires. Dans ce monde incertain, nos convictions nous tiennent debout, sur les fondations solides de la Parole fidèle de Dieu.
En tant que croyants, nous ne sommes pas livrés aux vents contraires des décisions gouvernementales et des réalités…. Du travail, ou des transports, des réunions programmées puis annulées. Nous sommes avant tout solidement arrimés à l’Alliance que Dieu a établi pour nous aider à garder le cap de l’espérance.
C’est la Parole de Dieu, à travers les Écritures bibliques et les témoignages d’autres croyants, qui peut nous aider à affronter l’incertitude, le stress, l’angoisse. Elle nous donne les ressources nécessaires pour trouver les appuis, les fondations solides pour guider notre vie.
La Bible – et la Parole qui l’inspire – sont des ressources inépuisables pour comprendre la réalité de notre vie, en la plaçant devant Dieu. Elles nous permettent de ne pas séparer ce qui se vit très concrètement, de ce qui suscite notre foi.
Il me semble d’ailleurs que notre époque d’incertitude devient justement un temps propice à la Parole. Il me semble que c’est un temps où nous sommes appelés à prophétiser, à porter la Parole d’espérance de Dieu pour le monde. Mais pour cela nous devons d’abord nous convertir nous-même ou en tout cas abandonner la position de réserve et de discrétion qui est très souvent la nôtre (et moi la première).
L’évolution de la société nous a rendu adaptable à une laïcité qui nous cantonne de plus en plus dans nos temples d’où nous n’osons pas prendre la parole publiquement. Or, cette parole est aujourd’hui mise au défit des changements et de la liberté.
Il ne s’agit pas simplement de batailler avec le ministère de l’Intérieur pour défendre la loi de 1905 et empêcher que des contraintes nouvelles viennent peser sur la gestion de nos associations cultuelles. Il s’agit de permettre un vrai débat sur les questions du vivre ensemble. Il s’agit de sortir de la méfiance.
Il s’agit aussi et surtout de refuser de se laisser entraîner sur la pente de la peur. Une peur qui nous obligerait à accepter sans réagir l’idéologie sécuritaire que l’empilement des lois construit en ce moment. Il s’agit de privilégier la réflexion et la participation collective aux débats de société plutôt que de laisser des individus exiger qu’on se range docilement derrière leurs injonctions à l’unité.
Et si nous ne sommes pas tous à l’aise avec l’idée d’être des prophètes, soyons alors porteurs de la protestation qui a vu naître la Réforme, et qui s’est réveillée à plusieurs périodes de notre histoire. La protestation POUR l’être humain. La protestation POUR Dieu. Une protestation constructive. Une protestation qui permette d’entendre d’autres voix que celles qui diabolisent les contestataires.
Lorsque des personnes se regroupent pour défendre la liberté d’expression et que les seules images ou paroles qui rendent compte de ces manifestations ne donnent à voir et à entendre qu’une petite minorité de casseurs, alors…. Le débat est malheureusement confisqué. Ne laissons pas ces images violentes et ces paroles haineuses nous détourner du sujet de la défense des libertés.
Lorsque des ONG telle que l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture sortent, en mars 2016 (il y a 5 ans) un rapport d’enquête sur les violences policières, et que celles-ci continuent à être légitimées, alors…. Le débat est malheureusement confisqué, là encore. Ne laissons aucune violence prendre le pas sur les débats nécessairement contradictoires mais surtout démocratiques.
Ces sujets sont aussi les nôtres. Notre identité d’enfants de Dieu n’est pas séparée de l’engagement citoyen qui nous incombe. Or notre voix, portée par nos convictions, elles-mêmes inspirées par la Parole qui raisonne dans nos vies, ou par les textes bibliques, oui, notre voix a du sens !
Protester pour le respect et la dignité des plus vulnérables, contre la pression financière qui déséquilibre les liens sociaux et affaiblit la confiance. Protester pour l’espérance que Dieu suscite toujours à nouveau, contre les discours réducteurs et simplistes qui distillent la défiance, le rejet, la violence.
Protester pour sauvegarder un environnement vivable, notamment pour ceux qui sont les plus impactés par les événements climatiques, contre les politiques basées sur la seule rentabilité économique ou industrielle qui affecte la santé des populations les plus exposées. Protester pour la fidélité que Dieu tient ferme dans son Alliance, contre les promesses sans avenir.
Partout les Paroles de Dieu sont semées pour nous rappeler son Alliance, ce contrat de fidélité et de confiance qu’Il confie à l’humanité afin de modérer nos excès, d’accepter notre condition humaine si fragile, et de prendre soin de l’environnement dans lequel Il nous a placé.
La pandémie a bouleversé nos habitudes et, comme partout, l’Église doit s’adapter à ces nouvelles contraintes. Notre mission d’annoncer l’Évangile est toujours la même, mais nous devons nous adapter. Tenir le lien fraternel malgré la fermeture des lieux de cultes est un défi qui nous impose de repenser nos habitudes, nos pratiques. Penser l’annonce de l’Évangile comme une source de bienfaits pour nos contemporains est un autre défi qui nous ouvre à de nouvelles formes de communication.
Les défis peuvent sembler immenses et suscités le découragement avant même de les relever. Mais là encore, c’est la certitude que nous ne sommes pas seuls qui vient nous pousser à être ces témoins que Dieu appelle.
La période d’incertitude que le monde traverse à cause de la pandémie est source d’inquiétude pour beaucoup, et elle est, en même temps, une période qui nous invite à recentrer nos vies sur la confiance en la grâce de Dieu. C’est de là, de cette confiance, que nous pouvons témoigner et susciter le désir de ceux qui entendront cette Bonne Nouvelle.
Au-delà des questions d’organisation pratique et de fonctionnement quotidien pour nos Églises locales, c’est bien cette confiance vécue soi-même et énoncée en paroles et en actes qui est la raison d’être de nos Églises.
Personnellement, je souhaite que l’équipe du Conseil régional qui sera élue à ce synode puisse elle aussi dépasser les questions d’organisation pratique et mener une réflexion qui anime cette confiance. Une réflexion sur notre rapport au monde du vivant, notre défense de la dignité humaine, … Une réflexion sur le prochain sujet synodal des ministères dans l’Église.
Et nous porterons tous nos défis, locaux ou régionaux, dans la prière, pour nous souvenir que nous avançons ensemble et que nous dépendons de Dieu seul.
(…)
Avant de terminer ce message, je voudrais maintenant adresser des remerciements :
Je veux d’abord remercier les membres du Conseil régional sortant, et plus particulièrement ceux et celles qui ne renouvellent pas leur mandat : merci à Elisabeth Brinkman, Eric de Bonnechose, Chantal Fabre, Bruno Galiber d’Auque, Christiane Iribarren, François-Olivier Manson, Nadine Py. Merci d’avoir accepté de prolonger votre mandat jusqu’à aujourd’hui, d’autant que nous avons multiplié le nombre de réunion par visio pour assurer l’organisation de ce synode, toujours remis à plus tard ! Merci pour votre disponibilité et votre participation à la diversité des sujets que nous avons abordés. Merci pour votre bonne humeur et pour la bonne entente qui a permis de se retrouver à chaque fois avec plaisir.
Je veux ensuite remercier Caroline ROSSI, secrétaire régionale, présente au synode, et Karinne Bourgade, comptable régionale, pour tout leur travail, le soutien et le conseil qu’elles apportent aux Eglises locales et pour l’aide qu’elles m’apportent depuis que j’ai commencé cette nouvelle fonction l’été dernier.
MERCI
Bon synode à chacun et chacune d’entre vous.
Anne-Marie FEILLENS