billet régional octobre 2024

Les défis de demain pour l’ACAT

Le mois d’octobre est traditionnellement le mois des rassemblements régionaux pour les groupes locaux de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). Cette année 2024 marque les 50 ans de l’association œcuménique. A cette occasion elle a sorti un Hors-Série pour son magazine « Humains ».

A la place de mon édito je reproduis ici des extraits d’un texte de ce hors-série, rédigé par le pasteur Michel Bertrand. Il décrit les défis de l’ACAT pour les années à venir :

(…) Le premier défi, le plus fondamental aussi : fonder plus que jamais son action dans sa vocation chrétienne. (…) Si cette spécificité fondatrice venait à s’atténuer, pire, à s’effacer, l’ACAT perdrait sa raison d’être et sa pertinence. La foi est en effet source de résistance et de résilience. Elle donne au croyant la liberté de tout dire, la confiance pour agir, le courage de lutter contre toutes les formes de banalisation du mal. Défi majeur dans une société où infuse une culture de haine, de violence et de mort.

(…) La démarche de l’ACAT se caractérise par une approche existentielle des droits humains. Elle est née de l’indignation devant les abominations de la torture, puis de la peine de mort. Elle a ensuite toujours eu comme ancrage les souffrances concrètes d’êtres humains singuliers, dont on connaît le nom, à qui on peut écrire, pour qui on peut prier. (…)

Relever ce défi, c’est résister à l’idéologisation des droits humains, alors désincarnés et parfois instrumentalisés à des fins partisanes. « La défense des droits de l’homme est la négation même de toute idéologie, la découverte concrète de l’homme comme visage », écrivait ainsi l’historien Olivier Clément en 1982.

Pour cela, l’ACAT devra élargir le champ de sa vigilance et donc de son action vers d’autres formes d’atteintes aux droits humains, au sein de la société et des Eglises. Moins visibles souvent, elles ne sont pas moins destructrices de la personne : harcèlement, abus de pouvoir, emprise, violence… Ces atteintes à la dignité humaine participent à « l’émiettement du frère »* qui conduit, dans un silence religieux, à des traitements cruels, inhumains et dégradants. L’insensibilité à ces comportements intolérables contribue à l’acceptabilité de la torture. On pense aux paroles de Jésus débusquant, dans l’injure envers le prochain, le meurtre déjà tapi (Mt 5,21).

Le rôle prophétique est ici de dénoncer et combattre ce que beaucoup ne peuvent ou ne veulent pas voir, participant alors d’un « consentement meurtrier passif » comme le qualifie le philosophe Marc Crépon.

Cela conduit à un troisième défi : refonder sans cesse l’engagement de l’ACAT par un travail permanent de réflexion et de formation, nourri des savoirs contemporains, éclairé par les textes bibliques et la théologie.

 

*Marie-Laure Durand – Tu n’émietteras pas ton frèreLes mécanismes de la brutalité, Médiaspaul, 2019

 

Extraits de l’article de Michel Bertrand, pasteur, dans le hors-série « Humains – déjà 50 ans de luttes, et demain ne se fera pas sans vous ! » pages 50-51

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